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Le #PCF demande l’abandon du projet de réforme de la justice pénale des mineurs et la mise en oeuvre d’un code de l’enfance

Publié le 10/12/2020 par PCF

L’Assemblée nationale entame aujourd’hui la révision de l’ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs avec un projet gouvernemental inutile et dangereux, auquel s’opposent de très nombreux professionnels.

La méthode choisie, à marche forcée, avec l’annonce surprise, en novembre 2018, d’une nouvelle ordonnance sans consultation préalable des professionnels de l’enfance, des organisations syndiques de magistrat.e.s, des avocat.e.s, des travailleuses et travailleurs sociaux, n’est pas acceptable. Malgré les alertes des professionnels de la justice et de l’enfance, dénonçant une approche répressive, le texte n’a que très peu évolué.

Le gouvernement propose de faire plus avec moins puisque, malgré la communication sur le sujet, les moyens de la justice, et notamment de la justice des mineurs, restent indignes. Les budgets de la prévention et de la protection de l’enfance, de la protection judiciaire de la jeunesse et des tribunaux sont notoirement insuffisants. Nombreédu de dispositions, dans un but purement gestionnaire, et sans réflexion réelle sur un sujet qui mérite pourtant la plus grande attention, dessinent une accélération de la répression pénale, au détriment du temps éducatif.

Les passages à l’acte délinquants de certains enfants sont souvent la conséquence de carences bien en amont dans leur prise en charge, fautes de services de prévention et de protection de l’enfance suffisamment nombreux et réactifs. La « lenteur » de la procédure pénale, un des motifs mis en avant pour justifier cette réforme, réelle dans certains cas, est principalement due au manque de travailleuses et de travailleurs sociaux pour assurer les mesures éducatives ordonnées dans des délais adaptés et au manque de greffier.e.s et de magistrat.e.s pour juger dans des délais raisonnables.

Avec ce code, un pas de plus est fait pour rapprocher la justice des mineurs de celle des adultes.

Le PCF demande l’abandon de ce texte et la mise en oeuvre d’un projet bien plus ambitieux, celui d’un code, non pas seulement de la justice pénale des mineurs, mais de l’enfance, avec l’objectif de replacer la protection de nos enfants  au centre des enjeux.

Sommes-nous encore dans un État de droit ? #PCF

La crise du Covid-19 nous plonge dans une situation exceptionnelle qui nécessite que des mesures sanitaires exceptionnelles soient édictées. Néanmoins, comme nous le rappelions dans la note sur l’analyse de la loi du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire, il convient de rester très vigilant pour s’assurer que les règles dérogatoires à un État de droit, mises en place dans le cadre d’un régime d’exception, soient effectivement temporaires et strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus.

 

Or les dispositions prises sont considérablement liberticides (atteintes à la liberté de se réunir, d’aller et venir, de travailler…) et accordent des pouvoirs exorbitants à l’exécutif, avec une insuffisance de contrôle parlementaire.

Cette loi autorise par ailleurs le gouvernement à prendre des ordonnances. Celles concernant la justice comportent des atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales. Constitue une liberté fondamentale la possibilité donnée à un justiciable d’assurer de manière effective sa défense devant un juge, conformément à l’article 6 de la sauvegarde des droits de l’homme et libertés fondamentales.

Les mesures affectant cette liberté doivent, là encore, être adaptées aux buts poursuivis et nécessaires, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible d’y substituer d’autres moyens moins attentatoires à la liberté.

Or, à de nombreux égards ces ordonnances ne satisfont pas à ces conditions et portent atteinte aux droits de la défense. Ainsi, par exemple, les audiences peuvent se tenir en utilisant des moyens de télécommunication audiovisuelle, sans l’accord des parties, sans limitation tenant à la nature du contentieux, sans respect de la confidentialité. Dans d’autres cas, il peut être statué sans audience, sans juge et sans avocat. Tel est le cas pour prolonger une mesure de détention provisoire, alors que dans le même temps le gouvernement prétend limiter le nombre de détenus en prison !

Il apparaît que de nombreuses mesures sont inadaptées et dénuées de toute nécessité, notamment en droit pénal et droit des étrangers.

Dans ce contexte particulier, on aurait pu espérer qu’il y est plus que jamais un contre-pouvoir permettant un contrôle effectif de l’action gouvernementale. Force est de déplorer qu’à la défaillance du contrôle parlementaire s’est ajoutée celle du Conseil d’État, censé être l’ultime recours administratif et garant des libertés fondamentales.

Pourtant, la juridiction a été saisie de nombreuses requêtes à l’initiative de diverses organisations (SAF, SM, OIP, LDH, Ordre des avocats, syndicats de médecins…). Elles avaient pour objet de mettre en cause la légalité de certaines ordonnances, mais également les conditions sanitaires dans les prisons, les Ehpad, les centres de rétention devenus sans objet dont la fermeture a été demandée, protéger les sans-abri ou les mineurs isolés, demander une extension du confinement, des moyens de protection supplémentaires pour certains professionnels, la fourniture de masques, de tests, de nouveaux traitements…

Toutes ces demandes ont fait l’objet de rejet en masse, parfois sans audience, fragilisant l’effectivité du contrôle juridictionnel opéré par le Conseil d’État et mettant même en doute son impartialité. Dans leur tribune parue dans Le Monde, les avocats William Boudon et Vincent Brengarth s’insurgent : « Dans quel régime se réclamant de la démocratie peut-on se satisfaire de décisions qui balayent toutes les requêtes comme s’il était hérétique de critiquer le gouvernement ? »

Dans bon nombre d’actions le Conseil s’est contenté des promesses du gouvernement en retenant une présomption d’efficacité de la politique publique menée. Une question a émergé, celle de savoir si le Conseil d’État pouvait juger en toute indépendance une loi qu’il a lui-même validée ou s’il n’y avait pas trop de proximité entre ses membres, issus de l’ENA et le monde politique.

Dans une contre-tribune, Bruno Lasserre affirme que malgré les décisions de rejet, le Conseil d’État a fait des invitations, à l’issue d’une audience, qui ont été prises en compte par l’administration. Mais pour plusieurs avocats, au contraire, de telles décisions se confondraient avec des « conseils » au gouvernement qui avaliseraient l’action étatique.

Outre les atteintes aux droits déjà mentionnées, il convient de s’interroger sur la validité du nouveau délit de non-respect du confinement, contre lequel des questions prioritaires de constitutionnalité ont été déposées.

Alors que les tribunaux sont pratiquement à l’arrêt, on ne peut qu’être étonnés de la multiplication des audiences de comparutions immédiates pour ce délit et des demandes de mise en détention, encombrant encore davantage les prisons à l’issue de contrôles souvent arbitraires. Surveillance par des drones ou trackings qui va être débattue à l’Assemblée nationale, avec finalement un vote des parlementaires, sont encore là de nouvelles mesures dont l’efficacité est contestée, qui en revanche complète l’arsenal de mesures privatives de libertés individuelles.

La question reste donc d’actualité : « Sommes-nous encore dans un État de droit ? »

Annie Levi-Cyferman, membre du CEN, responsable nationale Droits humains et Libertés.