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L’e-Galopin N°250

Lettre ouverte à Emmanuel Macron

Je ne suis pas musulman et c’est déjà grave que je sois obligé de le préciser.

Pour me présenter, je dirai que si Obélix est tombé dans la marmite de potion magique 1 fois, je suis tombé dans la marmite de potions racistes à 5 reprises :

1) dans les cours de récréation, je ne comprenais pas pourquoi on m’appelait Moustapha : si je m’appelle Boukhalfa, je suis né en France et l’éducation religieuse que j’ai eue était catholique et je ne ressemble pas à un arabe

2) à l’armée, j’ai dû faire face à des militants d’extrême-droite appelés qui ont été jusqu’à me menacer à 6.

La peur passée, j’ai calculé que « s’ils estimaient devoir se mettre à 6 contre moi, c’est qu’ils estiment qu’à 5, ils sont en infériorité ! », je me suis rebiffé et en suis venu à défendre d’autres camarades attaqués parce que portugais ou homosexuel.

A l’issue de l’armée, convaincu de la nécessité de lutter contre la droite radicalisée, je me suis engagé au PCF

3) si l’Éducation Nationale a reconnu ma valeur et mon travail, (bac C mention AB, BTS comptabilité Gestion mention anglais, plusieurs unités de valeur du Diplôme des Études Comptables et Financières, DUT Statistiques et traitement Informatisé des Données), le marché du travail m’a racisé : 250 CV envoyés dans le secteur privé, 19 entretiens et 19 fois les questions qui tuent « Origine du Nom ? Profession des parents ? ».

Évidemment personne ne m’a interrogé sur mon goût et mes capacités à manier des données numériques et je n’ai pas été retenu.

Si c’était à refaire, je serais venu avec mon père et à ces questions serais sorti en déclarant « Puisque ce n’est pas moi qui vous intéresse mais le fils de mon père, je vous laisse vous arranger avec lui ».

Je peux manger car j’ai réussi un concours administratif (2e sur 783) qui m’a permis de servir le service public de l’Éducation Nationale

4) après quelques années de bonheur, j’ai subi la répression antisyndicale doublée de racisme. Le harcèlement moral était alors autorisé voire recommandé, j’ai subi d’innombrables attaques : professionnellement, je suis passé d’excellent à très mauvais, j’étais nuisible à mon service mais, interdit syndical, je ne pouvais m’en éloigner ; la hiérarchie a mené des pressions pour me faire chasser de mon syndicat, me faire interner par mes parents et a même fini par me mettre en maladie disciplinaire 4 mois. Inutile de dire que cela a été terrible, j’ai envisagé par 4 fois le suicide. J’ai connu de lourdes insomnies durant 20 ans, je me considère comme blessé par des actes de torture mentale : j’ai fait le test de Ravisy, j’ai 42 oui sur 50 items.

Pour la petite histoire j’ai été guéri en faisant savoir que si ma maladie était prolongée, je participerais à un voyage en Corée du Nord, d’où j’enverrai une carte postale à MM. Chirac et Jospin, alors Président de la République et Premier Ministre pour leur signifier que « je suis en maladie de complaisance à l’initiative de mon employeur et j’envisage de demander l’asile diplomatique ».

Sitôt « guéri », j’ai retrouvé un bureau mais on ne me donnait pas de travail, tout en continuant à m’interdire toute absence syndicale, puis j’ai été convoqué en conseil de discipline. J’ai pu constater que « la justice du rectorat est à la justice ce que la musique militaire est à la musique », subissant un déplacement d’office.

Heureusement, je ne subis plus de persécution dans mon nouvel établissement.

5) depuis 2008, c’est dans ma vie militante que je suis confronté à des mises à l’écart.

Alors qu’en 1995, j’avais été admis sans problème sur la liste PCF aux municipales, en 2008, j’ai été écarté de la liste d’union alors que j’avais participé assidûment à toutes les réunions de préparation (en 2001, chassé de mon logement de fonction par le rectorat, j’avais dû me loger dans une autre commune où je n’avais pas de légitimité).

Le Front de Gauche n’a jamais voulu de moi, même en 2012 où je totalisais des dizaines de passages média pour mes activités militantes et que je collectionnais les responsabilités associatives et syndicales.

En 2019, j’ai été le seul mandaté par le PCF écarté de la liste « citoyenne » pour les municipales, même pour les réunions de préparation…

Il est clair qu’avec un autre nom j’aurais pu servir la république en étant élu…

Au soir de ma vie, je fais le constat piteux que je suis un modèle de « désintégration » et si rien ne me fera dévier de mes convictions républicaines et laïques (je viens de déposer un recours contre une subvention de l’agglo d’Annecy à une officine d’enseignement catholique, le financement par le public de l’enseignement privé est un sujet sur lequel votre « laïcité » est hélas muette), je comprends que l’acharnement xénophobe et antimusulmans détournent de la République.

En décidant de dissoudre le CCIF (avec lequel je n’ai pas plus de lien qu’avec le CRAN, la LICRA ou SOS-racisme, absents d’Annecy), votre gouvernement estime que les victimes d’islamophobie n’ont pas le droit de se défendre ; en même temps, en transformant en délit pénal le fait de filmer des délits commis par des personnes portant l’uniforme, votre gouvernement estime que certaines personnes sont au-dessus de lois.

Cette inégalité créée par votre gouvernement l’engage sur la voie du séparatisme d’avec la République, avec une rupture d’égalité instituée par la loi.

Les multiples graves reculs démocratiques (on vient d’apprendre le fichage non seulement des militants mais en plus de leur entourage) couronnés par votre loi qui veut tuer la laïcité ce 9 décembre à l’occasion de son 115e anniversaire me blessent triplement : en tant que laïque, que racisé et qu’antifasciste qui a appelé à voter pour vous contre Le Pen et s’est engagé personnellement dans 5 distributions de tracts à cet effet. Il m’est terrible de devoir vous compter parmi les laï-racistes qui choisissent Le Pen, Zemmour et autres Ménard contre la Ligue des Droits de l’Homme, Amnesty international, l’ONU, L’union européenne…

Je vous informe enfin que l’Assemblée générale Extraordinaire du réseau antifasciste que j’anime depuis plus de 20 ans convoquée le 22 décembre statuera sur le classement de vous-même, votre gouvernement et votre parti à l’extrême-droite.

Naturellement, cela n’aboutira pas à retirer de la liste les organisations qui y sont déjà, et encore moins à les ménager.

Veuillez agréer les salutations d’un citoyen attaché mordicus à la République

DISSOLUTION DU #CCIF PAR LE GOUVERNEMENT : UNE ATTEINTE A LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION ! #PCF

Le gouvernement vient de prononcer la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Cette mesure fait partie d’un plan de communication bien huilé du gouvernement, qui fait monter la pression en vue de la future loi censée « conforter les principes républicains » contre le « séparatisme ».

Cette décision n’est pas surprenante, elle a été mainte et mainte fois annoncée, pour autant le délai pris pour la rédaction de ce décret témoigne de la difficulté juridique à justifier ce qui est un acte politique stigmatisant à l’encontre des citoyens de confession musulmane, leur niant le droit de se constituer en association * ; c’est un acte politique contre une organisation qui agissait essentiellement pour le respect du droit, contre le racisme, contre le dévoiement de la laïcité à des fins d’exclusion.

En assumant pleinement de dissoudre une association parce que cette dernière a qualifié d’islamophobes « des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou de combattre des actes punis par la loi », le Gouvernement tourne le dos à l’Etat de droit et aux libertés publiques et s’engage ainsi sur la voie du délit d’opinion. Pire, il démontre par l’absurde que l’islamophobie dénoncée par le CCIF est une réalité.

La commission lutte contre le racisme et pour l’égalité du PCF dénonce cette atteinte à la liberté d’association. 

*Amnesty international, 18 novembre 2020 :  La dissolution du CCIF serait un coup porté au droit à la liberté d’association et aurait un effet dissuasif sur tous les défenseur·e·s des droits humains engagés dans la lutte contre le racisme et la discrimination. À ce jour, les autorités françaises n’ont fourni aucune preuve susceptible de justifier la dissolution de cette association. Rien ne montre que le CCIF représente un danger manifeste et imminent pour la sécurité nationale ou l’ordre public, qui pourrait justifier sa dissolution.”